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décrire, Buonarroti ne voit pas quel dessein contradictoire était le leur, quand il ajoute : « Loin de travailler dans l’ombre comme les conspirateurs criminels, le directoire secret n’attendait le succès de son entreprise que des progrès de la raison publique et de l’éclat de la vérité… » Et plus loin : « Ce n’était pas à l’aide d’une poignée de factieux ameutés par l’appât du gain ou par un fanatisme insensé, que le directoire secret prétendait renverser le gouvernement usurpateur ; il ne voulait employer d’autre mobile que la force de la vérité[1]. » Hommes de lettres, artistes ou philosophes épris des grandes scènes de l’antiquité, les principaux conjurés avaient dans la tête un scénario d’ « ébranlement majestueux du peuple » dont ils ne voulaient rien sacrifier.

Aussi, pendant ces semaines suprêmes, lancèrent-ils dans le public une véritable averse de brochures. « Le 23 germinal, parut, dit avec orgueil Buonarroti, l’Opinion sur nos deux Constitutions ; le 24 on publia la Lettre de France libre à son ami la Terreur ; le 25 fut mis en circulation l’écrit intitulé : Doit-on obéissance à la Constitution de 1795 ? Le 27 on distribua l’Adresse du Tribun à l’Armée ; le 29 fut répandue la Lettre en réponse à M. V., et le 1er floréal fut livré au public : Le Cri du peuple français contre ses oppresseurs. » Ces publications avaient été précédées le 20 germinal par l’affichage de l’Analyse de la doctrine de Babeuf, où chaque point de doctrine était suivi de sa preuve. Le Tribun du Peuple fulminait en même temps ses derniers numéros. Toute cette publicité n’allait pas sans des allusions et des menaces qui étaient pour le gouvernement autant d’avertissements explicites. Que devenait le secret ? Du reste Babeuf et Buonarroti n’étaient pas fâchés que l’on sût

  1. Tome I, pages 118 et 120.