Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les mêmes ? Nous n’avons pas encore signalé parmi les compagnons de Babeuf, Sylvain Maréchal. Sylvain Maréchal procède directement de Rousseau et de Morelly comme Babeuf, mais aussi comme Robespierre. Lui aussi a été formé avant la Révolution et ne doit rien aux événements contemporains, si ce n’est une occasion de produire ses idées. Nous trouvons chez lui l’état de nature, l’égalité primitive, l’usurpation, la tyrannie des riches, la détresse et la révolte imminente des pauvres. Toutes les contradictions que le xiiie siècle se plaisait à faire éclater entre l’homme idéal tel qu’il est conçu par définition et l’homme tel qu’il est réellement, il ne se lasse pas de les faire ressortir et de s’en indigner dans l’état de nature, libre, heureux, vertueux ; dans la société de fait, asservi, besoigneux, corrompu, tel est l’homme ; le tout exposé en divers ouvrages à partîrde 1781. Il avait publié en 1788 l’Almanach des honnêtes gens où il substituait au nom des saints celui des hommes célèbres et surtout celui des philosophes réformateurs comme Campanella, Morus, Rousseau il appelait cette année 1788 l’an I du règne de la Raison[1]. Le Manifeste des Egaux qu’il rédigea n’est que l’écho de la philosophie antérieure, grossi par ce ronflement oratoire à la Rousseau, plus que jamais à la mode depuis la Révolution[2]. S’il y a fait bon marché des arts, c’est à

  1. Lichtenberger, Le Socialisme au XVIIIe siècle, Paris, 1895, p. 440.
  2. Voici le passage le plus important de ce manifeste :
    « Nous sommes tous égaux, n’est-ce pas ? Ce principe demeure incontesté, parce que à moins d’être atteint de folie, on ne saurait dire sérieusement qu’il fait nuit quand il fait jour.
    « Eh bien ! nous prétendons désormais vivre et mourir égaux, comme nous sommes nés : nous voulons l’égalité réelle ou la mort. Voilà ce qu’il nous faut…
    « … La révolution française n’est que l’avant-courrière d’une autre révolution bien plus grande, bien plus solennelle et qui sera la dernière.
    « Le peuple a marché sur le corps aux rois et aux prêtres