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l’athéisme et à ceux qui abhorrent la superstition[1]. » C’était donc un moyen pacifique de gagner l’opinion. C’était aussi un moyen légal de se procurer des lieux de réunion et un grand auditoire populaire. Dans le même esprit, Buonarroti, Amar et Bodson conseillaient la prudence à la société du Panthéon, ils voulaient qu’on s’y bornât « à discuter les droits des hommes et des peuples en évitant toute application directe aux tyrans du jour ; » ils avaient en vue « de ranimer l’énergie populaire, » mais « de ménager en même temps l’autorité constitutionnelle, jusqu’au moment où la rectification générale de l’opinion publique permettrait de parler sans détours et rendrait vains les efforts des oppresseurs[2]. » D’après cette conception, les écrits de Babeuf n’étaient, avec la société du Panthéon, que « les leviers » du mouvement projeté. Au contraire, selon les impatients, l’action immédiate devait seule conduire au but : le Directoire n’avait-il pas refusé l’autorisation que lui demandait la société de prêcher le Déisme dans un temple à elle ? La présence des modérés n’avait-elle pas paralysé son action ? Et d’ailleurs que faire d’utile pour la cause par les voies légales, en présence des lois draconiennes qui étouffaient les réunions et bâillonnaient la presse ? « Patriotes, disait Babeuf dans son numéro 35, vous êtes un peu découragés, j’ose dire que vous êtes un peu pusillanimes. Vous êtes effrayés de votre petit nombre et vous craignez l’irréussite. Mais vous venez de voir, et tout ce que vous voyez vous dit qu’il n’y a plus trop à reculer. Vaincre ou mourir ! vous n’avez pas

  1. T. I, p. 105.
  2. Page 103. Buonarroti, en rapportant la lecture faite par Darthé, devant la société, du journal de Babeuf, p. 97, ne manque pas de remarquer qu’en effet le morceau fut applaudi, mais que ce coup d’audace perdit la société, tandis que grâce à elle « le peuple parisien sortait graduellement de l’indifférence où ses longs malheurs l’avaient plongé. »