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argent demain et je vous l’enverrai. J’attends aussi l’issue de l’affaire du citoyen Fournier. C’est moi qui ai dirigé sa pétition ; je l’ai lue à la barre…[1] Ah ! si cette affaire pouvait réussir, une belle place m’est assurée et mes enfants respireraient encore une fois. »

La solidarité du parti de l’action, qui avait valu à Babeuf l’appui de Marat, ne se dément pas en cette circonstance. Pour avoir aidé Fournier à se tirer d’affaire, Babeuf, bien que sous le coup lui-même de poursuites criminelles, est nommé secrétaire du bureau des subsistances avec le traitement de 4,000 livres en assignats, c’est-à-dire de 1,500, puis bientôt de 1,000 livres environ. Il envoie au ministre et aux Comités mémoire sur mémoire pour établir son innocence ; ce qui ne l’empêche pas d’être condamné le 23 août 1793 par le tribunal de Montdidier à 20 ans de fers. Peut-être eût-il pu échapper aux effets de cette condamnation, s’il fût resté tranquille dans son emploi, couvert qu’il était par de puissantes influences parisiennes. Mais c’est ici que sa nature ins-

  1. La pétition tendait sans doute à ce qu’il fût permis à Fournier de se disculper de l’accusation dont il était l’objet à cause de la disparition des effets des prisonniers d’Orléans, septembrisés à Versailles, alors qu’il était général des troupes préposées à leur garde. Il fut arrêté le 12 mars 1793, à la suite de l’insurrection avortée du 10. À l’accusation de vol que nous venons de signaler se joignit celle d’avoir été l’instigateur de l’insurrection projetée. Interrogé à la barre de la Convention dans la séance du 13, il fut mis en liberté malgré Marat (Aulard, biographie de Fournier, p. v). Pour en finir avec Fournier, disons qu’au moment de la conspiration, le 4 floréal an IV, un rapport de police nous le montre partant à cheval avec l’ex-adjudant général Loys, du faubourg Antoine, pour son château situé près de Verneuil, en Beauce, en disant qu’il se f…ait du Directoire et avait de l’argent à donner aux Jacobins. Il ne jouit pas longtemps de sa nouvelle fortune. Nous savons par M. Aulard qu’il fut incarcéré, puis déporté à Cayenne sous le Consulat, mis en surveillance à Auxerre en 1809, se fit royaliste sous la Restauration et, toujours occupé de revendiquer ses prétendues propriétés de Saint-Domingue, mourut dans la misère à quatre-vingts ans.