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Mais un sentiment ne varie pas en lui la haine de la propriété féodale. À peine arrivé à Roye, il prend ouvertement le rôle d’agitateur et commence par une attaque furieuse contre sa vieille ennemie. Nous n’avons pas la brochure intitulée : « Le peuple éclairé sur ses vrais intérêts ou Exposition de la politique captieuse des privilégiés de tous les ordres dans les circonstances présentes ;  » mais lui-même la caractérise ainsi[1] : « J’étais féodiste sous l’ancien régime, et c’est la raison pour laquelle je fus peut-être le plus redoutable fléau de la féodalité dans le nouveau ; ce fut dans la poussière des archives seigneuriales que je découvris les affreux mystères des usurpations de la caste noble ; je les dévoilai au peuple par des écrits brûlants, publiés dès l’aurore de la Révolution. Notre département fut électrisé, il se fit une insurrection contre les droits féodaux ; on n’en paya plus trois ans avant le décret définitif qui les supprima ; le peuple me bénit et la horde nobiliaire m’exécra[2]. Sa rage contre moi a augmenté lorsque je prouvai le droit des citoyens à partager les biens communaux et je fis encore effectuer ce partage deux ans avant le décret. Ce fut encore moi, ajoute-t-il, qui insurrectionnai en 1790 contre les aides et gabelles et qui fis donner une chasse générale à

  1. Tiré de la brochure qu’il publia pendant sa quatrième incarcération. Robiquet, Revue de Paris, 1er mars 1896, p. 196.
  2. « L’hydre de la féodalité, horrible fléau de toutes nos campagnes, excitait le soulèvement général on avait cru le monstre terrassé dans la nuit du 4 août 1789, mais bientôt après, les perfides Constituants l’avaient fait renaître. Je me déclarai le champion de tous les campagnards contre les ex-seigneurs ; je feuilletai, je compulsai toutes les histoires et j’en tirai la preuve irrécusable et très utile qu’il n’était pas un seul droit de vassalité qui ne fût une usurpation. J’imprimai cette grande vérité. La résistance à l’exigence des tributs seigneuriaux devint générale. Le décret du mois d’avril dernier légitima cette résistance… De ce qui fut anciennement extorqué ou par violence ou par fraude, la transmission héréditaire pas plus que le contrat de vente n’innocente la