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plus favorables les unes que les autres. « Ah ! mon cher confrère, le beau moment qu’on a manqué au commencement de ce règne[1]! Oh ! le beau moment ! Celui de donner à la Nation un Code uniforme, d’abroger, d’anéantir ce chaos de coutumes absurdes, ridicules, contradictoires, qui légitiment dans telle province ce qui est défendu dans telle autre, comme s’il n’y avait pas une morale démontrée, comme si les hommes avaient plusieurs consciences différentes, comme si la nature qui défend à un aîné de Picardie de dépouiller ses frères et sœurs, pouvait le permettre à un aîné de Normandie ![2] »

Que répond Babeuf à ces ouvertures alléchantes ? Il compare aussitôt l’idéal du Réformateur à celui qu’il avait dès lors dans l’esprit, à savoir, l’état de nature de Rousseau et il reconnaît que le nouveau est supérieur. « Il me semble que notre Réformateur fait plus que le citoyen de Genève, que j’ai ouï traiter quelquefois de rêveur. Il rêvait bien à la vérité. Mais notre homme rêve mieux. Comme lui il prétend que, les hommes étant absolument égaux, ils ne doivent posséder rien en particulier, mais jouir de tout en commun et de manière qu’en naissant, tout individu ne soit ni plus, ni moins riche, ni moins considéré qu’aucun de ceux qui l’entourent. Mais loin de nous renvoyer comme M. Rousseau, pour exister

  1. Le moment où les Parlements étaient remplacés par des commissions. « Un Code uniforme, universel pour la France, aurait été admis sans résistance. Ensuite on aurait rappelé les Parlements, sous la condition sine qua non d’adopter ce Code… et d’oublier toutes les coutumes comme non avenues, » p. 184.
  2. Correspondance, t. II, p. 183-184. Voir dans Advielle, t. 1, p. 374, un projet de phalanstère militaire et agricole du marquis de Valenglert, président de l’assemblée du département d’Abbeville en 1789. Son livre portait comme titre « Dénonciation des abus… Moyens d’amener le vrai bonheur général. Dédié à la Nation française. » Paris, 1789.