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des villages actuels. Il prévoit un système d’éducation en commun très semblable à celui qui sera proposé plus tard par Le Peletier et Robespierre[1], à quoi il ajoute une justice uniforme, expéditive, exacte et gratuite, la liberté de conscience la plus large garantie à tous, etc. Assurément le ton est badin et on voit que l’académicien donne carrière à son imagination ; mais si, quant à la réalisation prochaine de ce programme, il reste sceptique, il ne doute pas que ces réformes soient rationnelles et nécessaires. La première partie de ce beau livre « contiendra, dit-il, un tableau détaillé de tout l’excès de la misère qui afflige aujourd’hui la société des hommes, et des abus, des désordres, des calamités, des passe-droits, des injustices, des banqueroutes, des sujets de désespoir, des brigandages, des vols, des assassinats, des crimes et des horreurs de bien des espèces qui ont lieu. » Voilà une entrée en matières qui ne sent pas trop le vaudeville ! Et Dubois de Fosseux, qui a lu Morelly (alors Diderot), invoque, pour légitimer ses plans de réformes en fait de législation, le caractère déductif de la morale et du droit tels qu’on les concevait au xviiie siècle et l’exemple du Code rédigé sous les yeux de Frédéric, qu’on appelait simplement le Code Frédéric et qui était imité du Code de la Nature. « Parce qu’un géomètre prussien dit que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles droits, faudra-t-il qu’un géomètre français dise le contraire ? Ou il n’y a pas de morale démontrée, ou elle doit être une comme il n’y a qu’une géométrie » (page 189). L’uniformité et l’égalité s’en déduisent. Ce qui est de droit peut toujours être imposé par le pouvoir, seulement il y a des circonstances

  1. « Des collèges ou les enfants seront reçus à l’âge de 4 ans et où on les nourrira, entretiendra et instruira gratis jusqu’à l’âge de 20 ans, » p. 180. Rappelons à ce propos que Robespierre était membre, avec de Fosseux, de l’Académie des Rosati, et lié avec lui.