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ries et s’agitaient sur tout le territoire. Le luxe s’affichait audacieusement à côté de la misère générale. Peu à peu, les nouveaux riches allaient se fondre avec la bourgeoisie ancienne : parlementaires qui avaient vaincu les Jésuites et acheté leurs biens sous l’ancien régime, commerçants enrichis de longue date par le travail et l’épargne, fonctionnaires et rentiers dont la culture et les manières s’étaient haussées graduellement au ton de la noblesse, souvent impatients de réparer par la production artistique, scientifique ou industrielle, des années d’agitation désastreuse, mais, trop souvent aussi, prompts à imiter ceux qu’ils remplaçaient, avides comme eux de privilèges et entichés de préjugés domestiques, doctrinaux et autoritaires. En somme, mêlée dans ses origines d’éléments de valeur diverse, nécessaire, quoi qu’on en pense, comme étape historique entre le règne de la féodalité et celui de la démocratie, à la fin de l’an III l’aristocratie censitaire, qui a gouverné la France pendant cinquante ans, commençait à se constituer, parce qu’elle était seule capable de suffire aux tâches multiples de la réorganisation nationale. Voilà quel était le résultat de cette terrible guerre contre la richesse ! Voilà ce qu’amenait cette ère nouvelle, cette ère de l’Égalité célébrée en 1792 !

On pense quel effroi dut causer dans un pareil milieu la reprise en 1796 des projets de nivellement déconcertés par la chute de Robespierre. À partir de ce moment, les nouveaux propriétaires tremblèrent à leur tour pour leurs fortunes : ils ne contribuèrent pas moins que les anciens au succès de l’entreprise dictatoriale qui devait écarter

    ment dilapidés, lorsque, après le 9 thermidor, il fut permis de les acheter sans enchères et sans publicité, par simple soumission et d’en payer le prix en papier, qui n’avait presque plus de valeur, d’après l’expertise faite autrefois en numéraire. »