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Ainsi se déroulaient, sous l’action de la méthode révolutionnaire, les conséquences du droit à l’assistance illimité proclamé par la Constituante.

Mais enfin, de l’aveu même de Chabot (séance des Jacobins du 22 février 1793), le parti Jacobin n’était dans l’assemblée et dans le pays qu’une minorité. Et par les mesures que nous venons d’exposer, mesures dont il profitait seul, deux catégories de citoyens qui étaient presque toute la nation, étaient mises en demeure ou de tout subir, même la mort, soit par la guillotine, soit par la faim, ou de se délivrer coûte que coûte de la domination jacobine.

D’abord les « riches, » c’est-à-dire non seulement ceux qui en d’autres temps auraient vécu de leurs revenus et qui maintenant étaient réduits à utiliser clandestinement quelques réserves, non seulement les gros boutiquiers qui depuis 1790 avaient réalisé de beaux bénéfices sur le commerce de l’argent, mais aussi et surtout ceux qui vivaient de leur travail, tant bien que mal, car ils étaient contraints de par la loi d’afficher au-dessus de leurs portes ce qu’ils avaient chez eux de matières premières ou de denrées, obligation peu favorable aux affaires. Les rapports publiés par Schmidt établissent que, peu à peu, au cours de 1793, les petits commerçants et les ouvriers travaillant à domicile éprouvent les mêmes craintes que les riches et se solidarisent avec les modérés. Tous ceux qui gagnent leur vie par le travail, même les marchands de vin, même leurs garçons, deviennent des modérés. En voyant le « fracas » fait dans les sections par « les portefaix et les porteurs d’eau, » « les fruitiers, les limonadiers, les tailleurs et les cordonniers » prennent le « dégoût » de la vie civique. Le péril menace toutes les conditions. Le pillage des boutiques en février a laissé un souvenir très présent. Toute la population tranquille et laborieuse vit dans la crainte de