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reprenait cet argument au nom des principes constants de la Révolution, contre Dupont de Nemours, qui tenait bon pour les idées des Physiocrates et soutenait qu’il n’y avait pas en France 600 millions de numéraire. « Remarquez, citoyens représentants, disait Vernier, que l’emprunt ne peut atteindre la classe indigente, ni même ceux qui ne jouissent que de l’absolu nécessaire. Il n’est dirigé que contre les riches et contre les citoyens aisés, ce qu’on ne peut trop apprécier parmi des républicains. » Cette taxe extraordinaire divisait le quart le plus imposé ou le plus imposable de chaque département en seize classes : il était encore progressif. Enfin, et c’est le second emprunt du Directoire, les lois du 28 juin et du 6 août 1799, visent de nouveau la richesse par un emprunt forcé de 100 millions. « La classe aisée des citoyens, dit la loi, sera seule appelée à remplir cet emprunt. » La part de chaque citoyen était fixée par un jury d’équité. « Le jury, dit la loi du 19 thermidor, sera composé de l’administration centrale et de six ou huit citoyens pris parmi les contribuables de l’arrondissement non atteints par l’impôt, dont la probité, le patriotisme et l’attachement à la Constitution de l’an III garantissent la fidélité à remplir les fonctions auxquelles ils sont appelés. » L’appréciation de ce que chacun doit payer est laissée « à la décision et à la conscience » de ce jury. Douze citoyens non atteints par l’impôt forment au cheflieu une commission d’appel, ces douze citoyens reçoivent des frais de déplacement. Voilà l’idéal d’un système d’impôt démocratique, dit M. Sturm[1] : les pauvres constitués en assemblée et payés pour taxer les riches !

En dehors de ces taxes intermittentes, et pour mieux assurer l’égalité, à la place de l’impôt de 1791 qu’elle

  1. Nous n’avons pas besoin de dire quel précieux secours nous avons trouvé dans le remarquable ouvrage de M. Sturm : Les finances de l’ancien régime et de la Révolution.