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accueillis par les huées des tribunes et les protestations de la majorité, ont-ils fini par avoir gain de cause ? Comment leurs doctrines ont-elles obtenu dans le parti libéral, dans le parti qui se prétend dépositaire des principes de la révolution, un tel crédit, qu’elles se sont incorporées à ces principes et confondues avec eux ? Nous avons commencé de répondre à ces questions et voici ce que nous pouvons vous découvrir sommairement des résultats obtenus.


I


En 1789, les formules communistes par lesquelles le mouvement de réforme avait débuté, étaient déjà bien loin. À la négation de la propriété avait succédé de bonne heure le vœu de la propriété égale pour tous. Par exemple, Montesquieu commence par la peinture des Troglodytes, chez lesquels la propriété individuelle n’existe pas ; c’est le régime du Paraguay qui le séduit tout d’abord (Lettres persanes, 1721) puis il y substitue (au début de l’Esprit des Lois, vers 1729), une conception démocratique empruntée à l’antiquité et selon laquelle toutes les propriétés sont réduites ou relevées par l’Etat au niveau du « nécessaire physique. » Plus tard enfin il ne met plus en garde le législateur que contre l’absorption de tout le sol par les grands propriétaires, auquel cas il ne connaît qu’un remède l’expropriation et le partage. Rousseau commence par les imprécations du Discours sur l’Inégalité contre la propriété en général ; puis il se contente dans le Contrat social de prescrire des bornes à la richesse au profit des misérables il déclare que le rôle de