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rant d’opinion qui entraîne le siècle ; toutes sont les échos multiples d’une seule voix anonyme qui parie au nom du passé.

Maintenant ce courant d’opinion va se déterminer et le groupe des réformateurs égalitaires va revêtir les apparences d’une école par son opposition avec une école véritable, qui a pris conscience de son unité dès sa première heure, l’école des Economistes. Rousseau a vu nettement l’incompatibilité de ses principes avec ceux des physiocrates. Il l’a signalée dans ses Lettres au marquis de Mirabeau et aux membres de la Société économique de Berne. À son exemple, les apôtres de l’austérité et de la vertu prennent les armes contre les apologistes de la richesse et du progrès. Mably, dans ses Entretiens de Phocion (1763) composés après une conversation contradictoire avec de Chastellux, et dans ses Doutes proposés aux philosophes économistes sur l’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, qui s’oppose symétriquement au traité de Mercier de la Rivière (1768), Mably ouvre le débat. Linguet le poursuit contre Turgot dans sa Théorie des lois civiles. Necker s’y mêle à son tour à propos de la Législation et du commerce des grains, et enfin Graslin, qui publie, en 1779, sa Correspondance contradictoire avec l’abbé Beaudeau sur un des principes fondamentaux de la science économique. De quel nom nous devons appeler ces polémistes disciples de Rousseau, jugez-en par les idées qu’ils défendent, mises en regard de celles de leurs adversaires.

Les Economistes placent le bonheur dans la richesse ; c’est, selon eux, en accroissant la puissance de la production, et en accélérant la circulation des produits oude leurs signes qu’on multipliera la richesse tel est le but de toutes les institutions politiques. Ils proposa comme moyen principal d’atteindre ce but, l’extension