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VIE D'ESOPE 259

Esope, que Xanthus le Philosophe prend demain nouvelle femme. » Cela parvint aussi tost aux oreilles de sa maistresse, laquelle, sans plus attendre, s'en court au logis de son mari. « Et comment, s'escrie-elle, sera-il dit que, moy vivante, tu espouses une autre femme? Ha! il n'en sera rien. Veuilles ou non veuilles, tu m'auras pour femme tant que je vivray. » Ainsi revint-elle avec Xanthus, par le moyen de celuy qui avoit esté cause qu'elle s'en estoit allée. On luy commanda aussi qu'il apprestast le banquet des meilleures viandes qu'il pourroit, pour laquelle chose faire, il achetta des langues, disant qu'elles estoyent bonnes, et les louoit, et exaltûit, en racontant beaucoup de bien d'icelles. Derechef on luy commanda qu'il apprestast un ban- quet des plus mauvaises viandes qu'il pourroit, pourquoy faire il appresta semblablement des langues, et déclaroit les maux et meschancetés pro- venantes par icelles. 11 fut interrogué pourquoy c'est que quand on va tuer une brebis, elle ne dit mot, et le porc grongne; à quoy ilrespondit: « Pour ce que la brebis, estant accoustumée qu'on luy tire le laict et qu'on la tonde, ne craint point le fer. » Après ces choses, Xanthus alla voir les jeux, et, estant au theatre des Samiens, il vid un aigle portant en l'air un anneau, lequel il avoit arraché de la main du prêteur. De laquelle chose s'émerveillans les Samiens, il leur dit que son serviteur Esope pourroit facile- ment dire quelle chose estoit signifiée par ce miracle ; et soudain fut appelle Esope, lequel, avant toutes choses, en récompense de l'interprétation du prodige, requit estre en liberté et franc. Laquelle liberté luy

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