Page:Ernest Renan - Cantique des cantiques, Calmann-Levy, 1884.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la nature humaine atteint, dans la conscience libre et fière d’une jeune israélite, la sphère plus haute de la morale. Ne critiquez pas, d’après les règles de nos convenances modernes, chacune des paroles de la paysanne ingénue ; ne lui demandez pas les raffinements d’une sainte Thérèse. C’est une simple fille de la naïve antiquité. Sans que le trait de flamme du séraphin ait transpercé son cœur, elle sait « que l’amour est plus fort que la mort, » elle a ressenti « la flèche du feu de Jéhovah. »

Je ne suis pas de ceux qui regardent l’amour comme le plus élevé des principes de la moralité humaine, et qui voudraient croire que l’homme n’est grand que quand il obéit à la passion. Ce qui fait la noblesse de l’homme, c’est le devoir et la raison ; il n’est grand en réalité que quand il sacrifie ses entraînements à une fin voulue et désintéressée. Encore moins suis-je de ceux qui font cas de cet amour égoïste et sans poésie de l’Orient et du Midi, qui n’a jamais inspiré une haute pensée, et n’a con-