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que, entendu dans son sens naturel, bien plus sacré que beaucoup d’autres livres dont on est moins embarrassé, — que le livre d’Esther, par exemple, dur, orgueilleux, cruel, hautain, d’où Dieu est si absent (c’est le seul livre de la Bible où le nom de Dieu ne soit pas prononcé). J’ose même dire que le Cantique est fort important pour l’honneur du peuple juif, en ce sens qu’il montre dans l’esprit hébreu des qualités que sans cela on n’eût pas soupçonnées. À la vue de cette tension terrible, de cette âpreté de caractère qui a produit l’ardente passion d’un David et le fanatisme des prophètes, on pourrait être tenté de croire qu’il n’y eut place dans le cœur d’un tel peuple pour aucun sentiment de tendresse et de bonté. Le Cantique des Cantiques prouve que, si la lutte grandiose où s’engagea Israël étouffa, depuis une certaine époque, la partie purement humaine de son développement, cette partie du caractère hébreu avait en son temps produit sa fleur. L’Israël devenu peuple de Dieu ne doit pas nous