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des explications mystiques, ni Bossuet, qui avait finement reconnu le caractère littéraire et la division de l’ouvrage, n’entrevirent ce qui en fait le trait essentiel, à savoir l’amour de la Sulamite pour un amant qui n’est pas Salomon, sa résistance aux propositions du roi et son triomphe sur les séductions du sérail.

Le premier qui établit ce point fondamental fut J.-F. Jacobi (1771). Michaëlis avait déjà bien vu que le Cantique, interprété littéralement, était loin d’être un objet de scandale ; il avait proclamé que l’amour qui y est chanté est l’amour honnête (castos conjugum amores). Mais Jacobi trouva l’explication de l’énigme en montrant que le sujet du drame était « la victoire des amants fidèles, » que l’héroïne était une bergère attirée à la cour pour satisfaire les désirs criminels du roi, et que, loin d’offrir des idées inconvenantes, le poëme était, dans la pensée de l’auteur, parfaitement moral. Le rôle du berger, qui est le nœud de tout le poëme, commença