Page:Ernest Renan - Cantique des cantiques, Calmann-Levy, 1884.djvu/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est donc au ier siècle avant notre ère ou au ier siècle après Jésus-Christ qu’il convient de placer le commencement de l’exégèse allégorique du Cantique[1]. Le goût des sens détournés n’a jamais été plus fort qu’à cette époque, comme on le voit dans Philon, dans les évangélistes, dans saint Paul, dans le Talmud[2]. Un docteur du iie siècle,

    celles de ce temps. Un texte était quelque chose d’objectif, d’indépendant des intentions de celui qui l’écrivit, un thème, enfin, sur lequel chacun glosait à sa guise. Quand Étienne Langton, au xiiie siècle, faisait un sermon entier à la louange de la Vierge sur la chanson : Bele Aliz matin leva, il ne prétendait pas que, dans l’intention de l’auteur de cette chanson, Bele Aliz eût été la Vierge. De même, quand tel prédicateur moralisait Ovide, il ne soutenait sans doute pas qu’Ovide eût eu les idées qu’il lui prêtait. (V. Histoire littéraire de la France, tome xxiii, p. 250 et suiv.) A ces époques, tout devenait texte ou, pour mieux dire, prétexte de dits allégoriques et de moralités.

  1. Les traces d’explication allégorique du Cantique qu’on a cru remarquer dans le livre de la Sagesse, dans l’Ecclésiastique, dans les Évangiles, dans l’Apocalypse, dans le ive livre (apocryphe) d’Esdras, dans Josèphe, sont tout à fait douteuses.
  2. La même exégèse avait cours depuis longtemps chez les Grecs, au moins pour Homère. (V. Egger, Hist. de la Critique chez les Grecs, p. 55 et suiv.)