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idées n’eussent passé pour des blasphèmes en Israël. Jusqu’au ier ou iie siècle avant l’ère chrétienne, il n’y eut aucune doctrine secrète dans le sein du judaïsme. Ces sortes d’allégories indiquent toujours un certain besoin de se cacher, une revanche contre quelque compression extérieure. Sous le langage quintessencié des soufis, sous la brûlante passion lyrique de Louis de Léon, sous la feinte quiétude de Madame Guyon, on sent la rigueur intolérante de l’islamisme orthodoxe, de l’inquisition, du catholicisme gallican. Or, l’histoire du peuple juif ne nous présente, au moins avant l’époque des prophètes adonnés à un mosaïsme sévère et des rois piétistes, aucun exemple de persécution pour motif de doctrine ; la vieille religion patriarcale était si simple, si naturelle, si peu gênante, que nul ne devait chercher à y échapper. Les poëmes érotico-mystiques, enfin, supposent autour d’eux un grand développement d’écoles philosophiques et théologiques. Or, aucun peuple n’a été plus sobre que le peuple hébreu de symbolisme,