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grandes fictions est l’un des traits de l’esprit sémitique. Les musulmans de nos jours sont restés fidèles à cette ancienne antipathie ; les efforts qu’on tente à Beirouth et en Algérie pour introduire chez les Arabes l’usage des représentations restent sans grand résultat[1] ; quant aux mystères qui se jouent en Perse, à l’anniversaire de la mort d’Ali, ils sont un fruit de l’esprit persan, si opposé en tout à l’islam.

Cette curieuse lacune dans les littératures des peuples sémitiques tient, du reste, à une cause plus générale, je veux dire à l’absence d’une mythologie compliquée, analogue à celle que possèdent tous les peuples indo-européens. La mythologie, fille elle-même du naturalisme primitif, est la riche source d’où découle toute épopée et tout drame. Les deux

  1. Les poésies dialoguées ou accompagnées de chœurs sont très-communes en Orient ; mais, quoi qu’en dise M. Ewald (Die Dichter des Alten Bundes, I, 39 et suiv. ; Gesch. des Volkes Israël, III, 459, note), ces poésies sont toujours restées à une grande distance du drame.