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d’âne, des dents aiguës, une langue de serpent, de grands ongles noirs et pointus, un rire féroce sur une face hideuse, une face patibulaire, la face d’une portière critiquant un roman de Georges Sand !

Voilà le tableau que je ferais du Public. Et plus impérieux que Moïse, les verges du mépris à la main, je dirais aux Juifs de la littérature : Israël ! voilà ton Dieu ; et il n’y en a point d’autre ! Et tu te prosterneras devant lui et tu lui lécheras les pieds !

Mais vous ne connaissez donc pas, Messeigneurs du journalisme, ce Public que vous encensez ? Vous n’avez donc jamais découvert, au coin de votre fenêtre, son grand œil rouge, ivre de scandale ? Vous n’avez donc jamais été pressés par l’immonde cohue qui demande la tête des condamnés à mort ? Vous n’avez donc jamais vu cette fauve passer sa langue rouge sur ses lèvres desséchées ? Vous n’avez donc jamais respiré l’odeur chaude, nauséabonde, renversante qui s’échappe de la matière humaine foulée, tassée, suante ?

Non, vous n’aimez pas le Public ! Et personne ne l’aime, encore que tout le monde le redoute. Je vous demande, poètes nerveux ou incompris, hommes sans justice et sans cœur qui paradez dans les antichambres du pouvoir et dans les salons de la noblesse, je vous demande, au nom de votre Dieu, si jamais vous avez songé au sort d’un seul de ces prolétaires dont les dents claquent de faim et de froid, et qui sont aussi du Public, je pense ?

Ah ! que la Foule est niaise de se laisser toujours prendre aux voix pleureuses qui sollicitent ses aumônes ! Ainsi va le monde, cependant. Demandez-lui deux sous sur le pont des Arts, il vous appelle mendiant. Mettez-lui sur la gorge la gueule d’un canon de Décembre, il vous nomme empereur !

Quant à moi, je suis dans mon droit en faisant subir la