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VISION XIII
Désespoir !


« Hélas ! quelle journée ! »
Jérémie.


Et moi, je suivais l’armée d’invasion qui se déployait sur l’Europe au son des tambours. J’admirais la sinistre clarté de l’univers brûlant, les cités et les villages s’écroulant au milieu des plaines ; les palais, les lambris dorés, les meubles précieux et les joyaux rares, dévorés par les flammes.

J’écoutais sans peur les mugissements des taureaux, les voix plaintives des chèvres et des génisses, les cris de détresse des oiseaux éperdus, et les blasphèmes des hommes !

Mes regards supportaient, sans faiblir, la vue des éclairs et des nuages de sang et de poudre dont l’air était obscurci.

Je prenais plaisir à entendre au loin les volées des cloches sonnant le dernier tocsin, et la voix des gardes qui appelaient les hommes à apaiser le feu du ciel ;

Et les clochettes des troupeaux carillonnant dans les forêts vertes.

Mon cœur se remplissait d’allégresse en voyant les timides agneaux courir pêle-mêle avec les loups dévorants, les gazelles rapides avec les lions du désert, et les bandes de chevaux sauvages bondir parmi les hautes herbes incendiées ;

Et les hommes, que la Peur rend féroces, plongeant leurs mains sanglantes dans les entrailles les uns des autres ;