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Ah ! qu’il m’eût épargné de malédictions et de douleurs, celui qui, sans remords, m’aurait enfoui sous la terre noire ! Mon âme ne saignerait pas aujourd’hui en révélant aux hommes les épouvantables malheurs qui vont s’appesantir sur eux !




VISION II
Ce que je vis un soir à l’amphithéâtre


« Les morts ne sont pas loin de nous,
ils ne sont pas dans un autre monde. »
Ernest CœurderoyJours d’exil.


J’étais un pauvre étudiant ; je me préoccupais de la Mort, et je disséquais des cadavres.

Un soir, je travaillais à l’amphithéâtre, comme de coutume. Et voici : un mort se leva sur la table froide. Sa taille était gigantesque ; il était brun et fort ; ses yeux étaient pleins d’éclairs, et des flammes sortaient de sa bouche en sifflant. Surnaturelle était sa beauté ; il n’avait pas trente ans. Ils l’avaient, décapité le matin ; son doigt était appliqué sur le moignon de son cou, et le sang découlait tout le long de son corps.

« Petit étudiant ! me dit-il, touche mon sang, touche ma chair et découpe-moi, si tu l’oses, avec tes beaux petits instruments montés d’écaille. Je ne crierai pas, car je ne ressens plus la douleur. Je suis plus heureux que toi, pauvre garçon, qui travaille tant que la nuit dure, afin de rentrer au pays avec le parchemin de docteur. »

Et il m’appela vers lui, ce mort singulier ! Et je tremblais comme la feuille. Et je touchai son sang et sa chair qui étaient froids. Mais comme il me parlait si courtoisement et avec un discernement si peu commun parmi les