tifs dans ces croisements ; on les dit ambiguës. Le caractère distinctif d’une nation ambiguë, comme celui d’un réactif chimique, est de présenter des affinités sociales avec chacun des peuples qu’elle est destinée à confondre.
L’Europe et l’Asie ne sont encore que juxtaposées. La Russie sera la mortaise dont les angles rentrants présenterons aux angles saillants de chacune de ces contrées autant de points d’engrenage.
Entre ces deux mondes, la Russie est nation ambiguë : par sa position ; — par la facilité de communications terrestres avec l’un et l’autre ; — par sa domination réelle en Europe et en Asie, plus étendue que celle des autres grandes puissances ; — par l’influence bien plus immense encore qu’elle exerce sur les nations les plus fortes des deux mondes ; — par ses alliances familiales avec les races régnantes ; — par ses traités ; — par ses relations de commerce ; — par sa teinte de civilisation moitié occidentale, moitié orientale ; — par sa religion grecque et chrétienne, méridionale et septentrionale, — par les instincts différents des peuples du Nord et du Midi de son empire ; — par les nuances insensibles au moyen desquelles les premiers se rattachent aux peuples de l’extrême Nord de l’Europe, et les seconds, à ceux de l’extrême Nord de l’Asie ; — par la terreur qu’elle inspire dans un siècle où la force et l’intérêt matériels dominent toutes choses ; — par la phase sociale qu’elle parcourt, et qui n’est ni la Barbarie ni la Civilisation, mais une informe combinaison de l’une et de l’autre[1] ; — enfin, par l’impossibilité que
- ↑ Les Russes ne sont pas des barbares puisqu’ils sont industrieux, riches, respectés, implorés et craints par les nations polies, mercantiles, opulentes et lâches de l’Occident. — Ce ne sont pas non plus des civilisés, car la civilisation n’a corrompu que leurs grandes villes. Les Russes, ainsi que la très grande majorité des Slaves, sont des peuples ambigus.