son activité industrielle s’endort, son intraitable individualisme, son insulaire orgueil s’adoucissent forcément au contact d’hommes aux mœurs expansives et de femmes aux seins orangés. Nous pouvons observer ces grands corps blonds s’acclimatant si bien sous le soleil de leur conquête qu’ils se détachent de leur métropole, fondent des États nouveaux et jettent, sur toute cette partie du monde, les assises d’une civilisation colossale.
De son côté, la race conquise subit une modification analogue. Les pratiques superstitieuses du Brahmanisme se perdent aux Indes ; les sacrifices humains y deviennent infiniment plus rares ; il y a des milliers de conversions au protestantisme anglican ; c’est là que fait le mieux ses affaires la Société pour la propagande biblique.
Dans les générations nouvelles on reconnaît de plus en plus les caractères confondus du peuple envahisseur et du peuple envahi. Les enfants qui résultent des alliances entre Saxons et Indiens sont élevés dans le pays ; ils parlent une langue qui n’est ni l’Anglais ni l’Hindou, mais une combinaison des deux idiomes, dans laquelle l’Anglais domine comme appartenant à une civilisation plus nouvelle. Les Anglais instituent des écoles où ils s’efforcent de marier leur littérature nationale avec celle de l’Orient, où le positivisme du Nord se sature de plus en plus des vapeurs poétiques, des parfums ardents du Midi.
C’est que, chez tous les hommes, à quelque race qu’ils appartiennent, il existe un fonds commun d’aspirations vers le mystique, l’extraordinaire, l’irrévélé ; c’est que dans Ossian, Milton, et Byron, et Shakspeare, il y a bien des passages dus à la même inspiration qui composa le Baghavad-Gìta et le Ramayana. Bien que modifiée par les climats et les habitudes, la nature humaine conserve toujours, au fond, les mêmes instincts primordiaux. Il y a de la poésie chez les peuples du Nord, quoique ce ne soit pas