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employait des procédés réalistes, un peu vulgaires, qui ne sont grecs nullement… Lorsqu’Oreste a tué sa mère Clytemnestre, il attend l’applaudissement de sa sœur Électre. Mais celle-ci est épouvantée :


Mon frère, qu’as-tu fait ? Horreur ! ton crime est pire
Que tous les siens… C’était ta mère !…



Et elle s’enfuit, comme folle, prévoyant des cataclysmes… Oreste, lui, demeure face au cadavre de sa mère. Il regarde le cadavre et il l’interpelle. Le cadavre est découvert. Ce n’est pas un cadavre fictif et, si j’ose dire, poétique. C’est un vrai cadavre naturaliste, et, s’il vous plaît, sanguinolent. Bientôt, Oreste s’effraie. Terrifié déjà, il adjure, en menaçant encore, le cadavre :


ne me regarde pas de tes yeux convulsés !
Je t’ensevelirai, toi, nos maux et le reste,
Dans l’oubli, comme il sied d’un souvenir funeste.
À quoi bon épier mes gestes et nos pas ?
Regarde dans l’Hadès, ne me regarde pas !



Et il voile avec le péplos ce regard de cadavre. Et les Érinnyes l’assiègent, et il s’égare furieusement dans le remords et la folie. Nous sommes émus. J’y consens. Mais notre émotion est presque toute physique et matérielle. Et les Grecs de tous les temps employaient des procédés moins suspects, plus purs !

Leconte de Lisle a donc échoué dans son entreprise singulière de résurrection de la Grèce des premiers âges. Il avait une personnalité trop forte pour adapter avec fidélité une œuvre tragique. Il fallait qu’il y ajoutât. Il a ainsi exagéré le caractère grandiose et rude