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LA LITTÉRATURE D'AUJOURD'HUI


Et maintenant, si nulle école ne domine, ce n’est pas parce que nos écrivains sont spécialement impatients de tous les jougs ; c’est parce qu’aucun génie puissamment créateur n’a pris son essor depuis vingt ans. Recueillons-nous en notre tristesse, après cette constatation. Cette pénurie a retardé le déclin du naturalisme : et surtout cette pauvreté des hommes a permis que le rayonnement de Zola se développât sur notre littérature par delà le temps où son influence véritablement efficace s’appesantissait sur elle. Zola ! Zola ! syllabes retentissantes ! Un nom, une œuvre, une date, une époque ! On était infiniment original, il y a dix-sept ans, en affirmant que Zola n’était point un naturaliste, mais seulement l’héritier inconscient des romantiques ; il y a douze ans, c’était encore avoir de l’esprit que de faire la même démonstration. Et quelques-uns, aujourd’hui encore, se livrent toujours, toujours à cette démonstration retardataire : c’est assez dire qu’ils ont de l’esprit comme on en avait il y a douze ans, il y a dix-sept ans, au siècle dernier, un peu après la chute du second empire. J’oserai donc ce hardi paradoxe, dont je vous prie d’excuser la témérité, à savoir que Zola est naturaliste, et même le chef de l’école naturaliste, à moins que ce ne soit, par aventure, Léon Hennique, ou, par malheur, Lucien Descaves. Qu’il y ait eu de l’épopée, ou bien du lyrisme en l’art de Zola, qu’il ait trituré la nature pour en faire la matière copieuse de ses livres, qu’il ait observé les hommes et les choses avec une observation traîtreusement amplificatrice, il a, je pense, animé ses prodigieux ouvrages de la vie même, vulgaire et basse, de l’humanité. Il les a emplis de vérité, d’une vérité voulue. Telles erreurs, qui s’agrègent