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CHAPITRE XI


PAUL BOURGET


Je ne sais pas trop à quoi Bourget fit rêver les jeunes filles ; mais je sais bien à quoi il fait rêver les jeunes gens. Et, pour ma part, j’ai peut-être quelque ressentiment contre lui pour ce que, lorsque j’étais très jeune, il a pu me séduire par ses tableaux du monde. Alors j’aspirais probablement à écrire des choses sublimes ; certes, comme je n’avais point une âme exceptionnelle, je ne souhaitais pas de bouleverser l’univers ; modérant mes ambitions, je voulais simplement acquérir la gloire et peut-être la fortune et tout ce qui les accompagne… Il me suffisait d’avoir le destin de René Vincy ; et, au surplus, je me promettais, au cas où je connaîtrais Mme Moraines, de profiter des enseignements de Paul Bourget et de ne point renouveler l’aventure inutile et fâcheuse de ce jeune et scrupuleux poétereau, très impertinent en ses délicatesses ! J’étais épris de ce monde, si amoureusement dépeint, épris de ses charmes, de ses élégances et de ses parfumeries soigneusement énumérées. Hélas ! les illusions s’effeuillèrent au long des années rapides ; et comme les femmes resplendissantes m’ont rarement accueilli et comme il ne m’a pas été donné de rencontrer sur ma route pénible des archiduchesses, même morganatiques, ainsi qu’on en voit