Je ne sais pas trop à quoi Bourget fit rêver les
jeunes filles ; mais je sais bien à quoi il fait rêver les
jeunes gens. Et, pour ma part, j’ai peut-être quelque
ressentiment contre lui pour ce que, lorsque j’étais
très jeune, il a pu me séduire par ses tableaux du
monde. Alors j’aspirais probablement à écrire des
choses sublimes ; certes, comme je n’avais point une
âme exceptionnelle, je ne souhaitais pas de bouleverser l’univers ; modérant mes ambitions, je voulais
simplement acquérir la gloire et peut-être la fortune
et tout ce qui les accompagne… Il me suffisait d’avoir
le destin de René Vincy ; et, au surplus, je me promettais, au cas où je connaîtrais Mme Moraines, de
profiter des enseignements de Paul Bourget et de ne
point renouveler l’aventure inutile et fâcheuse de ce
jeune et scrupuleux poétereau, très impertinent en ses
délicatesses ! J’étais épris de ce monde, si amoureusement dépeint, épris de ses charmes, de ses élégances et de ses parfumeries soigneusement énumérées. Hélas ! les illusions s’effeuillèrent au long des
années rapides ; et comme les femmes resplendissantes
m’ont rarement accueilli et comme il ne m’a pas été
donné de rencontrer sur ma route pénible des archiduchesses, même morganatiques, ainsi qu’on en voit