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Le brigadier Frédéric.

« Halte !… un instant… Vous l’aimez, et Marie-Rose vient de reconnaître qu’elle vous aime aussi… C’est très-bien… c’est agréable de s’aimer !… Mais il faut penser aussi aux autres, aux anciens. Moi, quand je me suis marié avec Catherine Bruat, j’ai promis de garder le beau-père et la belle-mère jusqu’à la fin de leurs jours, et j’ai tenu ma parole, comme fait tout homme d’honneur ; je les ai aimés, soignés et vénérés ; ils ont toujours eu la première place à table, le premier verre de vin, le meilleur lit de la maison. La grand’mère Anne, qui vit encore, est là pour le dire !… Ce n’était que mon simple devoir, si je ne l’avais pas fait, j’aurais été un gueux, mais ils n’ont jamais eu à se plaindre de moi ; sur son lit de mort le père Bruat m’a béni, il a dit : « Frédéric a toujours été pour nous comme le meilleur des fils ! » J’ai donc mérité d’avoir la même chose et je veux l’avoir, parce que c’est juste !… Eh bien, maintenant que vous m’avez entendu, promettez-vous, Merlin, d’être pour moi, comme j’ai été pour le père Bruat ?

— Ah ! brigadier, fit-il, je serai le plus heureux des hommes de vous avoir pour père ! Oui, oui, je vous promets d’être un bon fils ; je vous