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Le brigadier Frédéric.

Toutes ces choses me paraissaient bonnes, et, dans mon attendrissement de revoir Marie-Rose, je me représentais l’avenir en beau ; je voulais vivre pour nous seuls, en attendant le retour de Jean, et ne nous inquiéter que le moins possible de la guerre, quoique cela soit bien difficile, lorsque le sort de la patrie est en jeu, oui, bien difficile ! Je me promettais de ne dire à ma fille que les choses agréables, les victoires, si nous avions le bonheur d’en remporter, et surtout de lui cacher mes inquiétudes au sujet de Jean, dont le long silence me donnait quelquefois des idées sombres.

Au milieu de ces pensées, je remontai chez nous. La nuit était venue. Marie-Rose m’attendait auprès de la lampe ; elle se jeta dans mes bras, en murmurant :

« Ah ! mon père, quel bonheur d’être encore une fois ensemble !

— Oui, oui, mon enfant, lui répondis-je ; et d’autres, éloignés maintenant, reviendront aussi ! Il faut encore un peu de patience… Nous avons trop souffert injustement, pour que cela dure toujours. Maintenant, tu es un peu malade… ce voyage t’a fatiguée… mais