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Le brigadier Frédéric.

Phalsbourgeois s’entretenant d’un bureau de secours en train de se former à l’Hôtel de ville, d’un bouillon qu’on voulait établir dans l’ancienne caserne de cavalerie, pour les pauvres, des indemnités promises par les Prussiens et sur lesquelles on ne comptait guère.

Le temps se passait lentement. J’aurais fini par ne plus rien écouter du tout, songeant à mes propres misères, quand une voix plus haute, plus hardie, me tira de mes réflexions ; je regardai, c’était Toubac, le cantonnier du Bockberg, qui se mêlait à la conversation des Phalsbourgeois, et s’écriait effrontément, son gros poing sur la table :

« Ça vous est bien commode, à vous autres gens de la ville, de parler maintenant des misères de la guerre. Vous étiez derrière vos remparts, et quand les obus arrivaient, vous couriez dans vos casemates. On ne pouvait rien vous prendre ! Ceux dont les maisons sont brûlées vont recevoir des indemnités plus fortes qu’elles ne valaient ; les vieux meubles vermoulus seront remplacés par des neufs, et plus d’un qui tirait la langue avant la campagne, pourra se frotter les mains et s’arrondir le ventre en