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Le brigadier Frédéric.

une sur nos joues. Que de souvenirs nous revenaient ! Mais la pauvre grand’mère en avait encore bien plus, n’ayant jamais quitté le vallon durant tant d’années, que pour, aller deux ou trois fois l’an au marché de Saverne ou de Phalsbourg ; c’étaient ses plus longs voyages.

Enfin, le grand coup était porté. La nécessité, Georges, la terrible nécessité venait de parler par ma bouche ; les femmes avaient compris qu’il fallait partir, peut-être pour toujours, que rien ne pouvait empêcher cet épouvantable malheur.

C’était déjà quelque chose ; mais un autre devoir aussi pénible me restait à remplir. Comme les gémissements avaient cessé, comme nous rêvions tous dans l’abattement, élevant de nouveau la voix, je dis :

« Jean Merlin, vous m’avez demandé, l’été dernier, ma fille en mariage, et je vous avais accepté pour être mon fils, parce que je vous connaissais, que je vous aimais, et que je vous estimais autant que n’importe qui dans le pays. C’était donc entendu, nos paroles avaient été données, il ne nous en fallait pas plus !… Mais alors j’étais