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L’AMI FRITZ.

Le vieux rabbin promenant un regard sardonique sur les tartes découpées, sur les pâtés effondrés et les bouteilles vides, comprit aussitôt à quel diapason était montée la fête ; il sourit dans sa barbiche.

« Hé ! David, il était temps, s’écria Kobus tout joyeux, encore dix minutes, et je t’envoyais chercher par les gendarmes ; nous t’attendons depuis une demi-heure.

— Dans tous les cas, ce n’est pas au milieu des gémissements de Babylone, fit le vieux rebbe d’un ton moqueur.

— Il ne manquerait que cela ! dit Kobus en lui faisant place. Allons, prends une chaise, vieux, assieds-toi. Quel dommage que tu ne puisses pas goûter de ce pâté, il est délicieux !

— Oui, s’écria le grand Frédéric, mais c’est treife[1], il n’y a pas moyen ; le Seigneur a fait les jambons, les andouilles et les saucisses pour nous autres.

— Et les indigestions aussi, dit David en riant tout bas. Combien de fois ton père, Johann Schoultz, ne m’a-t-il pas répété la même chose : c’est une plaisanterie de ta famille, qui passe de

  1. Déclaré impur par la loi de Moïse.