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L’AMI FRITZ.

veilleuses ; et le lendemain, réunis à la brasserie du Grand-Cerf, ils en causaient entre eux, disant : « Que c’est une grande folie de se marier avec une femme d’une condition inférieure à la nôtre ; que de là résultent les ennuis et les jalousies de toutes sortes. Qu’il vaut mieux ne pas se marier du tout. Qu’on ne voit pas un seul mari sur la terre aussi content, aussi riant, aussi bien portant que les vieux garçons. »

« Oui, s’écriait Schoultz, indigné de n’avoir pas été prévenu par Kobus, maintenant nous ne verrons plus le gros Fritz ; il va vivre dans sa coquille, et tâcher de retirer ses cornes à l’intérieur. Voilà comme l’âge alourdit les hommes ! quand ils sont devenus faibles, une simple fille des champs les dompte et les conduit avec une faveur rose. Il n’y a que les vieux militaires qui résistent ! C’est ainsi que nous verrons le bon Kobus, et nous pouvons bien lui dire : « Adieu, adieu, repose en paix ! » comme lorsqu’on enterre le Mardi-Gras. »

Hâan regardait sous la table tout rêveur, et vidait les cendres de sa grosse pipe entre ses genoux. Mais comme à force de parler, on avait fini par reprendre haleine, il dit à son tour :

« Le mariage est la fin de la joie, et, pour ma