Page:Erckmann-Chatrian - L’Ami Fritz.djvu/340

Cette page a été validée par deux contributeurs.
330
L’AMI FRITZ.

dis que cette petite doit être flattée, qu’elle doit s’estimer heureuse de penser qu’un monsieur de la ville a jeté les yeux sur elle : un beau garçon, frais, bien nourri, riant, et même majestueux, quand il a sa redingote noire, et ses chaînes d’or sur le ventre ; je soutiens qu’elle doit t’aimer plus que tous les anabaptistes du monde. Est-ce que le vieux rebbe Sichel ne connaît pas les femmes ? Tout cela tombe sous le bon sens ! Mais, dis donc, as-tu seulement demandé si elle consent à prendre l’autre ?

— Je n’y ai pas pensé ; j’avais comme une meule qui me tournait dans la tête.

— Hé ! s’écria David en haussant les épaules avec une grimace bizarre, la tête penchée et les mains jointes d’un air de pitié profonde, comment, tu n’y as pas pensé ! Et tu te désoles, et tu tombes le nez à terre, tu cries, tu pleures ! Voilà… voilà bien les amoureux ! Attends, attends, si la mère Orchel est encore là, tu vas voir ! »

Il ouvrit la porte, en criant dans l’allée :

« Katel, est-ce que la mère Orchel est encore

— Non, monsieur David. »

Alors il referma.

Fritz semblait un peu remis de sa désolation.

« David, fit-il, tu me rends la vie.