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L’AMI FRITZ.

il l’enleva comme une plume. Iôsef commença sa valse par trois coups d’archet. On comprit aussitôt que ce serait quelque chose d’étrange ; la valse des esprits de l’air, le soir, quand on ne voit plus au loin sur la plaine qu’une ligne d’or, que les feuilles se taisent, que les insectes descendent, et que le chantre de la nuit prélude par trois notes : la première grave, la seconde tendre, et la troisième si pleine d’enthousiasme, qu’au loin le silence s’établit pour entendre.

Ainsi débuta Iôsef, ayant bien des fois, dans sa vie errante, pris des leçons du chantre de la nuit, le coude dans la mousse, l’oreille dans la main, et les yeux fermés, perdu dans les ravissements célestes. Et s’animant ensuite, comme le grand maître aux ailes frémissantes, qui laisse tomber chaque soir, autour du nid où repose sa bien-aimée, plus de notes mélodieuses que la rosée ne laisse tomber de perles sur l’herbe des vallons, sa valse commença rapide, folle, étincelante : les esprits de l’air se mirent en route, entraînant Fritz et Sûzel, Hâan et la fille du bourgmestre, Schoultz et sa danseuse dans des tourbillons sans fin. Bockel soupirait la basse lointaine des torrents, et le grand Andrès marquait la mesure, de traits rapides et joyeux comme des cris d’hiron-