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L’AMI FRITZ.

« C’est moi, Kobus, c’est moi, ton vieil ami ! Je te reviens avec le printemps, avec le beau soleil. — Écoute, Kobus, les abeilles bourdonnent autour des premières fleurs, les premières feuilles murmurent, la première alouette gazouille dans le ciel bleu, la première caille court dans les sillons. — Et je reviens t’embrasser ! — Maintenant, Kobus, les misères de l’hiver sont oubliées. — Maintenant, je vais encore courir de village en village joyeusement, dans la poussière des chemins, ou sous la pluie chaude des orages. — Mais je n’ai pas voulu passer sans te voir, Kobus, je viens te chanter mon chant d’amour, mon premier salut au printemps. »

Tout cela le violon de Iôsef le disait, et bien d’autres choses encore, plus profondes ; de ces choses qui vous rappellent les vieux souvenirs de la jeunesse, et qui sont pour nous… pour nous seuls. Aussi le joyeux Kobus en pleurait d’attendrissement.

Enfin, tout doucement, il écarta les rideaux de son lit, pendant que la musique allait toujours, plus grave et plus touchante, et il vit les trois bohémiens sur le seuil de la chambre, et la vieille Katel derrière, sous la porte. Il vit Iôsef, grand, maigre, jaune, déguenillé comme toujours, le