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L’AMI FRITZ.

avec ce superbe jabot étalé sur l’estomac, et ces manchettes autour des poignets. — Crois-tu, Katel, que beaucoup de personnes soient capables d’apprécier un tel ouvrage ?

— Beaucoup de personnes ! D’abord toutes les femmes, monsieur, toutes ; quand elles auraient gardé les oies jusqu’à cinquante ans, toutes savent ce qui est riche, ce qui est beau, ce qui convient. Un homme avec une chemise pareille, quand ce serait le plus grand imbécile du monde, aurait la place d’honneur dans leur esprit ; et c’est juste, car s’il manquait de bon sens, ses parents en auraient eu pour lui. »

Fritz partit d’un éclat de rire :

« Ha ! ha ! ha ! tu as de drôles d’idées, Katel, fit-il ; mais c’est égal, je crois que tu n’as pas tout à fait tort. Maintenant il nous faudrait des bas.

— Tenez, les voici, monsieur : des bas de soie. Voyez comme c’est souple, moelleux ! Mme Kobus elle-même les a tricotés avec des aiguilles aussi fines que des cheveux : c’était un grand travail. Maintenant on fait tout au métier, aussi quels bas ! On a bien raison de les cacher sous des pantalons. »

Ainsi s’exprima la vieille servante, et Kobus, de plus en plus joyeux, s’écria :