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L’AMI FRITZ.

ble pas à ces charrettes qui crient chaque fois que les roues tournent : chose fort désagréable. Nos anciens, doués d’une grande prévoyance, pour éviter cet inconvénient avaient le jeu de quilles, les mâts de cocagne, les courses aux sacs, les parties de patins et de glissades, sans compter la danse, la chasse et la pêche ; maintenant, les jeux de cartes de toute sorte ont prévalu, voilà pourquoi l’espèce dégénère.

— Oui, c’est déplorable, s’écria Fritz en vidant son gobelet, déplorable ! Je me rappelle que, dans mon enfance, tous les bons bourgeois allaient aux fêtes de village avec leurs femmes et leurs enfants ; maintenant on croupit chez soi, c’est un événement quand on sort de la ville. Aux fêtes de village, on chantait, on dansait, on tirait à la cible, on changeait d’air ; aussi nos anciens vivaient cent ans ; ils avaient les oreilles rouges et ne connaissaient pas les infirmités de la vieillesse. Quel dommage que toutes ces fêtes soient abandonnées.

— Ah ! cela, s’écria Hâan, très-fort sur les vieilles mœurs, cela, Kobus, résulte de l’extension des voies de communication. Autrefois, quand les routes étaient rares, quand il n’existait pas de chemins vicinaux, on ne voyait pas circuler