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L’AMI FRITZ.

chaque ville, cinq ou six vieux garçons ont seuls conservé le sens commun. Oui, c’est positif… la sagesse n’est pas à la portée de tout le monde, on doit se féliciter beaucoup d’être du petit nombre des élus. »

Arrivaient-ils dans un village, tandis, que Hâan s’occupait de sa perception, qu’il recevait l’argent du roi et délivrait des quittances, l’ami Fritz s’ennuyait ; ses rêveries touchant la petite Sûzel augmentaient, et finalement pour se distraire, il sortait de l’auberge et descendait la grande rue, regardant à droite et à gauche les vieilles maisons avec leurs poutrelles sculptées, leurs escaliers extérieurs, leurs galeries de bois vermoulu, leurs pignons couverts de lierre, leurs petits jardins enclos de palissades, leurs basses-cours, et, derrière tout cela, les grands noyers, les hauts marronniers dont le feuillage éclatant moutonnait au-dessus des toits. L’air plein de lumière éblouissante, les petites ruelles où se promenaient des régiments de poules et de canards barbotant et caquetant ; les petites fenêtres à vitres hexagones, ternies de poussière grise ou nacrées par la lune ; les hirondelles, commençant leur nid de terre à l’angle des fenêtres, et filant comme des flèches à travers les rues ; les enfants, tout blonds, tressant la corde