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L’AMI FRITZ.

mérer les villages qu’ils auraient à voir, dans la plaine et dans la montagne.

« Dans la plaine, à Hackmatt, à Mittelbronn, à Lixheim, c’est tout pays protestant, tous gens riches, bien établis, belles maisons, bons vins, bonne table, bon lit. Nous serons comme des coqs en pâte les six premiers jours ; pas de difficulté pour la perception, les sommes du roi sont prêtes d’avance. Et seulement, à la fin, nous aurons un petit coin de pays, le Wildland, une espèce de désert, où l’on ne voit que des croix sur la route, et où les voyageurs tirent la langue d’une aune ; mais ne crains rien, nous ne mourrons pas de faim, tout de même. »

Fritz écoutait en riant, et c’est ainsi qu’ils entrèrent à la brasserie du Grand-Cerf. Là, les choses se passèrent comme toujours : on joua, on but des chopes, et, vers sept heures, chacun retourna chez soi pour souper.

Kobus, en traversant sa petite allée, entra dans la cuisine, selon son habitude, pour voir ce que Katel lui préparait. Il vit la vieille servante assise au coin de l’âtre sur un tabouret de bois, un torchon sur les genoux, en train de graisser ses souliers de fatigue.

« Qu’est-ce que tu fais donc là ? dit-il.