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L’AMI FRITZ.

ter d’une voix aussi claire qu’un coq qui s’éveille au milieu de ses poules :


« Rosette,
« Si bien faite,
« Donne-moi ton cœur, ou je vas mourir ! »


Il balançait la tête lentement, la bouche ouverte jusqu’aux oreilles ; et chaque fois qu’il arrivait à la fin d’un couplet, pendant une demi-heure il répétait d’un ton lamentable, en se penchant au dos de sa chaise, le nez en l’air, et en se balançant comme un malheureux :


« Donne-moi ton cœur,
« Donne-moi ton cœur…
« Ou je vas mourir… ou je vas mourir.
« Je vas mourir… mourir… mourir !… »


De sorte qu’à la fin, la sueur lui coulait sur la figure.

Sûzel, toute rouge, et comme honteuse d’une pareille chanson, se penchait sans oser le regarder ; et Kobus s’étant retourné pour lui entendre dire : « Que c’est beau ! que c’est beau ! » il la vit ainsi soupirant tout bas, les mains sur ses genoux, les yeux baissés.

Alors lui-même, se regardant par hasard dans