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L’AMI FRITZ.

« Il me fait boire de sa piquette, se dit-il ; mais quand le vin est de qualité supérieure, il le trouve trop bon pour moi. »

Cette réflexion le mit de mauvaise humeur, et quelques instants après, comme il était baissé, Kobus ayant laissé tomber deux gouttes de cire sur ses mains, sa colère éclata :

« Monsieur Kobus, dit-il en se levant, je crois que vous devenez fou ! Dans le temps, vous chantiez le Miserere, et je ne voulais rien dire, quoique ce fût une offense contre notre sainte religion, et surtout à l’égard d’un vieillard de mon âge : vous aviez l’air de m’ouvrir en quelque sorte les portes de la tombe ; et c’était abominable, quand on considère que je ne vous avais rien fait. D’ailleurs, la vieillesse n’est pas crime ; chacun désire devenir vieux ; vous le deviendrez peut-être, monsieur Kobus, et vous comprendrez alors votre indignité. Maintenant vous me faites tomber de la cire sur les mains par malice.

— Comment, par malice ? s’écria Fritz stupéfait.

— Oui, par malice ; vous riez de tout !… Même en ce moment, vous avez envie de rire ; mais je ne veux pas être votre hans-wurst[1], entendez-

  1. Polichinelle allemand.