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pleurer. Alors nous pleurions ensemble, et la tante Grédel recommençait à maudire les guerres qui font le malheur de tout le monde. Elle disait que le conseil de révision méritait d’être pendu, que tous ces bandits s’entendaient ensemble pour vous empoisonner l’existence. Cela nous soulageait un peu de l’entendre crier, et nous trouvions qu’elle avait raison.

Le soir, je rentrais en ville vers huit ou neuf heures, au moment où l’on fermait les portes, et je voyais, en passant, toutes les petites auberges pleines de conscrits et de vieux soldats réformés qui buvaient ensemble. Les conscrits payaient toujours ; les autres, le bonnet de police crasseux sur l’oreille, le nez rouge, le vieux col de crin en guise de chemise, se retroussaient les moustaches en racontant d’un air majestueux leurs batailles, leurs marches et leurs duels.

On ne pouvait rien voir de plus abominable que ces trous pleins de fumée, le quinquet sous les poutres sombres, ces vieux ferrailleurs et ces jeunes gens en train de boire, de crier et de taper sur les tables comme des aveugles ; et derrière, dans l’ombre, la vieille Annette Schnaps, ou Marie Héring, la tignasse tordue sur la nuque, le peigne à trois dents en travers, observant