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heures et demie qui sonnent ; Werner est venu me prévenir hier que tu passerais à dix heures… Ainsi dépêche-toi. »

Il me fallut donc partir en cet état ; le feu du vinaigre me sortait des joues. Lorsque je rencontrai la tante et Catherine, qui m’attendaient sous la voûte de la mairie, elles me reconnurent à peine.

« Comme tu as l’air content et réjoui ! » me dit la tante Grédel.

En entendant cela, j’aurais eu bien sûr une faiblesse, si le vinaigre ne m’avait pas soutenu malgré moi.

Je montai donc l’escalier dans un trouble extraordinaire, sans pouvoir remuer la langue pour répondre, tant j’éprouvais d’horreur contre ma bêtise.

En haut, déjà plus de vingt-cinq conscrits, qui se prétendaient infirmes, étaient reçus ; et plus de vingt-cinq autres, assis sur le banc contre le mur, regardaient à terre, les joues pendantes, en attendant leur tour.

Le vieux gendarme Kelz, avec son grand chapeau à cornes, se promenait de long en large ; dès qu’il me vit, il s’arrêta comme émerveillé, puis il s’écria :

« À la bonne heure ! à la bonne heure ! au moins en voilà un qui n’est pas fâché de