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le vinaigre donne des maux d’estomac, et, sans en prévenir M. Goulden, dans ma peur j’avalai tout le vinaigre qui se trouvait dans la petite burette de l’huilier. Ensuite je m’habillai, pensant avoir une mine de déterré, car le vinaigre était très fort et me travaillait intérieurement. Mais, en entrant dans la chambre de M. Goulden, à peine m’eut-il vu qu’il s’écria :

« Joseph, qu’as-tu donc ? tu es rouge comme un coq ! »

Et moi-même, m’étant regardé dans le miroir, je vis que, jusqu’à mes oreilles et jusqu’au bout de mon nez, tout était rouge. Alors je fus effrayé ; mais, au lieu de pâlir, je devins encore plus rouge, et je m’écriai dans la désolation :

« Maintenant je suis perdu ! Je vais avoir l’air d’un garçon qui n’a pas de défauts, et même qui se porte très bien : c’est le vinaigre qui me monte à la tête.

— Quel vinaigre ? demanda M. Goulden.

— Celui de l’huilier, que j’ai bu pour être pâle, comme on raconte de mademoiselle Sclapp, l’organiste. O Dieu, quelle mauvaise idée j’ai eue !

— Cela ne t’empêchera pas d’être boiteux, dit M. Goulden ; seulement tu voulais tromper le conseil, et ce n’est pas honnête ! Mais voici neuf