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« Autant celui-là qu’un autre… tous partiront… il faut remplir les cadres. Cela ne signifie rien pour Joseph. J’irai voir M. le maire, M. le commandant de place… Ce n’est pas pour leur faire un mensonge ; dire que Joseph est boiteux, toute la ville le sait ; mais, dans la presse, on pourrait passer là-dessus. Voilà pourquoi j’irai les voir. Ainsi ne vous troublez pas, reprenez confiance. »

Ces paroles du bon M. Goulden rassurèrent la tante Grédel et Catherine, qui s’en retournèrent aux Quatre-Vents pleines de bonnes espérances ; mais pour moi c’était autre chose : depuis ce moment je n’eus plus une minute de tranquillité, ni jour ni nuit.

L’empereur avait une bonne habitude : il ne laissait pas les conscrits languir chez eux. Aussitôt après le tirage arrivait le conseil de révision et, quelques jours après, la feuille de route. Il ne faisait pas comme ces arracheurs de dents qui vous montrent d’abord leurs pinces et leurs crochets, et qui vous regardent longtemps dans la bouche, de sorte que vous attrapez la colique avant qu’ils se soient décidés : il allait rondement !

Trois jours après le tirage, le conseil de révision était à l’Hôtel de Ville, avec tous les maires du pays et quelques notables,