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Vents ; mais ce n’était pas alors dans la joie de mon cœur, c’était comme le dernier des malheureux auquel on enlève son amour et sa vie. Je ne me tenais plus sur mes jambes ; et quand j’arrivai là-bas, ne sachant comment annoncer notre malheur, je vis en entrant qu’on savait déjà tout à la maison, car Catherine pleurait à chaudes larmes, et la tante Grédel était pâle d’indignation.

D’abord nous nous embrassâmes en silence, et le premier mot que me dit la tante Grédel, en repoussant brusquement ses cheveux gris derrière ses oreilles, ce fut :

« Tu ne partiras pas !… Est-ce que ces guerres nous regardent, nous ? Le curé lui-même a dit que c’était trop fort à la fin ; qu’on devrait faire la paix. Tu resteras ! Ne pleure pas, Catherine, je te dis qu’il restera.

Elle était toute verte de colère, et bousculait ses marmites en parlant.

« Voilà longtemps, dit-elle, que ce grand carnage me dégoûte ; il a déjà fallu que nos deux pauvres cousins Kasper et Yokel aillent se faire casser les os en Espagne, pour cet Empereur, et maintenant il vient encore nous demander les jeunes ; il n’est pas content d’en avoir fait périr trois cent mille en Russie. Au lieu de songer à la paix, comme un homme de bon sens, il ne pense