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plus grande armée qu’avant d’aller en Russie.

Quand le père Fouze, le vitrier, vint nous raconter cette affiche, un matin, je tombai presque en faiblesse car je me dis en moi-même :

« Maintenant on prend tout : les pères de famille depuis 1809 ; je suis perdu ! »

M. Goulden me versa de l’eau dans le cou, mes bras pendaient, j’étais pâle comme un mort.

Du reste, je n’étais pas le seul auquel l’affiche de la mairie produisît un pareil effet ; en cette année beaucoup de jeunes gens refusèrent de partir : les uns se cassaient les dents, pour s’empêcher de pouvoir déchirer la cartouche, les autres se faisaient sauter le pouce avec des pistolets, pour s’empêcher de pouvoir tenir le fusil ; d’autres se sauvaient dans les bois, on les appelait les réfractaires, et l’on ne trouvait plus assez de gendarmes pour courir après eux.

Et c’est aussi dans le même temps que les mères de famille prirent le courage en quelque sorte de se révolter, et d’encourager leurs garçons à ne pas obéir aux gendarmes. Elles les aidaient de toutes les façons elles criaient contre l’Empereur et les curés de toutes les religions les soutenaient, enfin la mesure était pleine !

Le jour même de l’affiche, je me rendis aux Quatre-