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le grand manteau, les moufles et les souliers à double semelle garnis de flanelle. »

Je me trouvais si beau, que je réfléchis s’il fallait suivre son conseil, et lui, voyant ça, dit :

« Écoute, on a trouvé hier un homme gelé sur la côte de Wéchem ; le docteur Steinbrenner a dit qu’il résonnait comme un morceau de bois sec, quand on tapait dessus. C’était un soldat, il avait quitté le village entre six et sept heures, à huit heures on l’a ramassé, ainsi ça va vite. Si tu veux avoir le nez et les oreilles gelés, tu n’as qu’à sortir comme cela. »

Je vis bien alors qu’il avait raison ; je mis ses gros souliers, je passai le cordon des moufles sur mes épaules, et je jetai le manteau par-dessus. C’est ainsi que je sortis, après avoir remercié M. Goulden, qui m’avertit de ne pas rentrer trop tard, parce que le froid augmente à la nuit, et qu’une grande quantité de loups devaient avoir passé le Rhin sur la glace.

Je n’étais pas encore devant l’église, que j’avais déjà relevé le collet de peau de renard du manteau pour sauver mes oreilles. Le froid était si vif qu’on sentait comme des aiguilles dans l’air, et qu’on se recoquillait malgré soi jusqu’à la plante des pieds.

Sous la porte d’Allemagne, j’aperçus le soldat de garde, dans son grand manteau gris, reculé