Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/346

Cette page n’a pas encore été corrigée

passèrent ainsi, de la cavalerie et de l’infanterie ; je n’avais plus la force d’appeler. Enfin la queue de tout ce monde arriva ; je regardai les sacs et les shakos s’éloigner jusqu’à la descente, puis disparaître, et j’allais me coucher pour toujours lorsque j’entendis encore un grand bruit sur la route. C’étaient cinq ou six pièces qui galopaient, attelées de solides chevaux — les canonniers à droite et à gauche, le sabre à la main — ; derrière venaient les caissons. Je n’avais pas plus d’espérance dans ceux-ci que dans les autres, et je regardais pourtant, quand, à côté d’une de ces pièces, je vis s’avancer un grand maigre, roux, décoré, un maréchal des logis, et je reconnus Zimmer, mon vieux camarade de Leipzig. Il passait sans me voir, mais alors de toutes mes forces, je m’écriai : « Christian !… Christian !… » Et malgré le bruit des canons il s’arrêta, se retourna et m’aperçut au pied d’un arbre ; il ouvrait de grands yeux. « Christian, m’écriai-je, aie pitié de moi ! » Alors il revint, me regarda et pâlit : « Comment, c’est toi, mon bon Joseph ! » fit-il en sautant à bas de son cheval. Il me prit dans ses bras comme un enfant, en